Redorer le blason

A l'occasion d'une consultation lancée par la ville de Gaillard (Communauté d’Agglomération "Annemasse-Les Voirons-Agglomération") pour refondre son identité visuelle et surtout son logo, Pepper studio a décidé de relever le défi, principalement motivé par l'originalité du projet : l'image de marque de la commune ne reposait pas sur un logotype classique comme dans la plupart des cas, mais sur le blason originel et historique de la ville. Et le cahier des charges souhaitait de manière claire «une évolution et une modernisation du blason» (sic). Pas de changement de positionnement, pas de concept créatif à imaginer. Un pur travail de design graphique en somme. Et bien que notre projet n'ait pas abouti, son côté plutôt atypique et l'intérêt qu'il a sollicité méritait bien un petit case study sur ce blog pour présenter notre approche graphique.

 

Le logotype, héritier du blason

Le blason est une invention militaire, signe de représentation des différents chefs de clan ou d’armées. Le premier blason identifié remonte à 1146 (le blason de Raoul de Vermandois). Insignes militaires, ils empruntent leurs symboles au monde animal. L'ours, le sanglier puis le lion sont souvent choisis par les seigneurs pour affirmer leur force et leur vaillance mais aussi pour effrayer l'ennemi. Mais c’est surtout à l’époque des grandes guerres, celle de 100 ans, des templiers… que le blason joue le rôle de signe de reconnaissance et de repère pour les troupes au milieu du chaos des champs de bataille. Ces armoiries se définissent dans un langage codifié, hérité d’une longue tradition au caractère symbolique très affirmé : le langage héraldique. De la chevalerie, cette tradition s'est rapidement diffusée dans l'ensemble de la société occidentale : clercs, nobles, bourgeois, communautés… Ensuite, on s'en est également servi pour représenter des corporations de métiers, des villes et plus rarement des régions ou des pays.
Ainsi, beaucoup de communes ont adopté les armes de leur premier seigneur ou des seigneurs dont la famille a marqué la vie de la commune pendant plusieurs générations. C’est le cas de Gaillard, qui a adopté les armoiries de la famille des Rossillon et de son principal personnage, Humbert, qualifié de « Galliard ».

Selon le langage héraldique, son blason se compose comme suit : «d’Or à la Bande tranchée de Gueules et d’Azur» : GUEULES est synonyme de rouge et traduit la force, OR signifie richesse, force, foi, constance et AZUR, justice et loyauté. D’où la devise de Gaillard : Force – Foi – Loyauté.

 

Blasé du blason

Mais comment redynamiser et moderniser ce blason dont l'extrême simplification en fait toute la singularité et représente en même temps tout le défi du projet ? Une composition géométrique, un dessin sans sujet figuratif et donc sans options ou alternatives pour transposer sa forme, pas d'axe créatif sur lequel rebondir alors que de nombreuses armoiries croulent sous les références à des animaux, des châteaux, des couronnes ou des fleurs...
Comment revisiter 2 diagonales barrant l'intérieur d'un bouclier, qui plus est sans modifier les couleurs dont la symbolique correspond à la devise de la Ville ?

C'est pourtant à partir de ce constat que nous avons fait le choix de pousser encore plus loin la simplification en repensant la construction du blason : le nom de la commune de Gaillard, justifié dans la partie haute du bouclier, ne fonctionnait pas (taille trop petit et problème de lisibilité, surtout en réduction). Il fallait donc revoir son emplacement pour rééquilibrer la composition et gagner en visibilité.
La solution ? Fusionner les deux pour que le «G» majuscule de Gaillard se métamorphose en blason, la forme de ce dernier se rapprochant du dessin de la lettre «G» (après une multitude d’essais graphiques !).
Et pour contrebalancer l’aspect anguleux et acéré du blason, une nouvelle police de caractère s’imposait, plus en rondeurs et en modernité. Notre choix s'est donc porté sur la typo Maven Pro, une linéale toute en courbes dessinée par le designer américain Joe Prince en 2011.

 

Cette solution repose sur le principe du typogramme, une double lecture où la lettre devient aussi image.
Le rapport d'échelle entre le nom et le blason est rétabli à l'intérieur d'une construction plus originale et inattendue que la très classique composition graphique qui consiste à placer le blason au-dessus du nom de la Ville.
Un logo 2 en 1 en somme : un blason déguisé en logo, à moins que ce ne soit l'inverse !

Malgré sa connotation historique et médiévale, le blason et l'armoirie sont pourtant largement utilisés en création d'identités visuelles contemporaines et peuvent devenir des images de marque puissantes sans rien sacrifier pour autant au design.
L'exemple avec le designer russe Andrew Korepan qui en a fait une véritable expertise. Découvrez son travail ici

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